A l’occasion du 110 ème anniversaire de la naissance de Madeleine Ozeray qui accompagna Louis Jouvet durant de longues années, rendons hommage à cette comédienne sans doute plus oubliée en France qu’en Belgique. Cet article rend compte de leur compagnonnage au théâtre. Avec Louis Jouvet au cinéma, elle aura tourné trois films.
Pour sa biographie davantage détaillée voir le lien ci-dessous.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Madeleine_Ozeray
Actrice Belge, née Magdeleine Marie Catherine Elisabeth Ozeray, le 13 septembre 1908, à Bouillon (Belgique)est décédée le 28 mars 1989, à Paris (15ème).
Fille cadette de Jules Ozeray, propriétaire terrien, député et anticlérical notoire, Madeleine quitte à quinze ans sa ville natale des Ardennes belges pour Bruxelles où elle termine ses études. Elle s’inscrit parallèlement au Conservatoire d’art dramatique dont elle sort avec un premier prix de comédie. Elle débute au Théâtre Royal du Parc avant de rejoindre Raymond Rouleau qui dirige la jeune Compagnie du Théâtre du Marais.
En 1931, la troupe se produit au Théâtre de l’Oeuvre, à Paris, et y récolte un très vif succès avec «Le mal de la jeunesse» de Ferdinand Brückner, Madeleine incarnant la jeune péripatéticienne Lucy. Mais, pour elle, cet événement marque surtout sa rencontre avec Louis Jouvet, avec lequel elle ne tarde pas à entretenir une liaison sentimentale aussi passionnée que mouvementée.
Au théâtre: mises en scène de Louis Jouvet
Au théâtre de l’Athénée
1934, le 14 novembre : Tessa, La Nymphe au coeur fidèle
La création, de Tessa de Margaret Kennedy et Basi Dean, adaptée par Jean Giraudoux, marque le début véritable de l’association des talents de Jouvet et de Madeleine Ozeray, et de l’influence que celle-ci peut exercer. Elle dit avoir suggéré à Jouvet le sujet et l’avoir convaincu de jouer Lewis, premier rôle, séducteur qu’il ne croyait pas pouvoir lui convenir ; Giroudoux a écrit son adaptation en songeant à elle. « Premier mélodrame poétique de notre temps » écrit Gérard Bauer. La musique – la chanson de Tessa – est composée par Maurice Jaubert ; René Moulaert a dessiné les décors.
Paul Louis-Mignon, Louis Jouvet qui êtes-vous? p.238
1935 : La guerre de Troie n’aura pas lieu de Jean Giraudoux, mise en scène Louis Jouvet
Son attention (Jouvet) est requise cependant par la nouvelle pièce de Jean Giraudoux. Elle a été intitulée Préludes des préludes, puis Préface à l’Iliade. Le 13 septembre, quand Giraudoux en donne lecture aux comédiens, elle a pour titre La guerre de Troie n’aura pas lieu .
Il voit un tragédien dans le rôle d’Hector, pense à Charles Boyer à Henri Rollan. L’urgence, un avis de Madeleine Ozeray l’entraînent à s’y essayer, alors qu’il se destinait Priam […] Hélène revient naturellement à Madeleine Ozeray – Giraudoux l’a conçue pour elle.
Paul Louis-Mignon, Louis Jouvet qui êtes-vous? p.238
1936 : L’École des femmes de Molière, mise en scène Louis Jouvet, Théâtre de l’Athénée
C’est une singulière histoire qui lie Jouvet à L’École des femmes. Devant le jury du concours d’entrée au Conservatoire, où il échoua à trois reprises, il avait présenté chaque fois des extraits de cette pièce. Son projet de la mettre en scène commence à prendre forme lorsqu’il rencontre Madeleine Ozeray, dont il pense qu’elle sera parfaite dans ce rôle. C’est en effet avec elle qu’il crée la pièce, en 1936, en interprétant Arnolphe. L’enjeu est si profond, pour Jouvet, que le soir de la première il est paralysé par le trac et ne peut entrer en scène. Mais la représentation est un triomphe, et il ne cessera plus de revenir à cette pièce qu’il jouera pendant quinze ans.
Extrait article Marion Chénetier-Alev
1937 : Électre de Jean Giraudoux, mise en scène Louis Jouvet
avec Louis Jouvet (le mendiant), Renée Devillers (Electre), Madeleine Ozeray (Agathe)
Électre est une pièce de théâtre en deux actes de Jean Giraudoux, représentée pour la première fois le 13 mai 1937 au Théâtre de l’Athénée dans une mise en scène de Louis Jouvet. Agamemnon, Le Roi des Rois, a sacrifié sa fille Iphigénie aux dieux. Son épouse, Clytemnestre, aidée de son amant, Egisthe, l’assassine à son retour de la Guerre de Troie. Oreste, le fils est banni. Reste Électre, la seconde fille : « Elle ne fait rien, ne dit rien. Mais elle est là ». Aussi Egisthe veut-il la marier au jardinier du palais afin de détourner sur « la famille des Théocathoclès tout ce qui risque de jeter quelque jour un lustre fâcheux sur la famille des Atrides ». Sur ce grand mythe de l’Antiquité, Jean Giraudoux a écrit sans doute sa meilleure pièce. Electre possède une force tragique surprenante, sans jamais perdre cet esprit étincelant, cet humour qui ont fait de Jean Giraudoux
1937 : L’Impromptu de Paris de Jean Giraudoux, mise en scène Louis Jouvet
S’inspirant de L’Impromptu de Versailles au cours duquel l’auteur Molière se livrait au public, Jean Giraudoux, blessé par les médiocres critiques d’Électre, écrivit, au cours de l’été 1937, une sorte d’improvisation intitulée : L’Impromptu de Paris. Cette œuvre de circonstance fut affichée en première partie d’une reprise de La Guerre de Troie n’aura pas lieu, le 4 décembre 1937. Alors que les comédiens étaient en scène, prêts à répéter, arrivait un spectateur contestataire. L’auteur, par la voix de Jouvet répondait alors à son adversaire en défendant son théâtre.
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Le 3 décembre 1937, le rideau se lève sur la scène du théâtre de l’Athénée. Sur une note accordée avec « l’Impromptu de Versailles », le fameux petit acte de Molière , Jean Giraudoux nous parle de Théâtre.

Maurice Castel, la petite Véra Pharès, Raymone, Madeleine Ozeray, Auguste Boverio, Marie-Hélène Dasté et Romain Bouquet-Robineau
L »ironie est de mise, l’humour de rigueur. Mais que l’on ne s’y trompe pas.
Cette petite pièce, en un acte, n’est pas si légère qu’elle y paraît.
« Nul jongleur n’égale en virtuosité Jean Giraudoux lorsqu’il lance et fait miroiter des idées. C’est ainsi qu’il les manie sur la critique, l’art, le public, les comédiens… »
Mais la malice de l’auteur ne blesse personne.
Le public applaudit. Les critiques apprécient.
Ce petit morceau est comme une chronique verbale, un entretien entre l’auteur, les comédiens et le public sur les choses du théâtre.
Il n’y a pas ici d’interprètes puisque ce sont les comédiens qui jouent leur propre rôle. Ils s’appellent Renoir, Boverio, Jouvet, Raymone, Ozeray, Dasté, la petite Vera…Un seul rôle est fictif, celui de Robineau.
Extrait de Gil Babelio pour la critique complète voir le lien ci_dessous
https://www.babelio.com/livres/Giraudoux-LImpromptu-de-Paris/575551
1938 : Le Corsaire de Marcel Achard, mise en scène Louis Jouvet, Théâtre de l’Athénée
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1939 : Ondine de Jean Giraudoux, mise en scène Louis Jouvet, Théâtre de l’Athénée

Madeleine Ozeray Ondine
Adaptation de Undine, récit poétique de l’auteur allemand Friedrich de la Motte-Fouqué, cette pièce a été écrite à la demande de Louis Jouvet qui offre le rôle titre à la jeune comédienne Madeleine Ozeray dont il est tombé amoureux. C’est une féerie, avec de multiples êtres fantastiques, mais surtout une très belle parabole sur le couple et l’amour.
La pièce est une féérie, avec de multiples êtres fantastiques. Pavel Tchelitchew décorateur des ballets russes a conçu les maquettes des trois actes et les costumes. 33 comédiens interprètent les 46 rôles. Le succès fut triomphal. Alors que Jean Giraudoux se trouvait au Consulat de France à New-York, Louis Jouvet lui envoya un télégramme ainsi conçu : « Ce soir record. Dépassons vingt-neuf mille francs (stop) moyenne journalière vingt-huit (stop) Ondine et Hans vous embrassent »
Les critiques furent excellentes comme en témoignent les articles de presse conservés dans le dossier consultable sur Gallica.
« La féérie s’est éteinte et nous sommes encore dans le royaume des fées », Paris Soir le 5 mai 1939
extraits Libretheatre.
L’article complet
http://libretheatre.fr/ondine-de-jean-giraudoux/
Tournée en Amérique latine
- 1941 : L’Occasion de Prosper Mérimée
- 1942 : On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset,
- 1942 : L’Apollon de Marsac de Jean Giraudoux,
- 1942 : La Belle au bois de Jules Supervielle,
- 1942 : L’Annonce faite à Marie de Paul Claudel
- 1942 : On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset
- 1942 : L’Apollon de Marsac de Jean Giraudoux
- 1942 : La Belle au bois de Jules Supervielle
- 1942 : L’Annonce faite à Marie de Paul Claudel
Carrière au cinéma -Trois films avec Louis Jouvet
Madeleine Ozeray tient la vedette à l’écran dans les années 1930. Elle est la jeune reine Victoria dans La Guerre des valses (1932) de Ludwig Berger, puis Mariette dans Knock ou le Triomphe de la médecine (1932) de Louis Jouvet et Roger Goupillières. Sa spontanéité, son teint pâle, ses cheveux blonds et vaporeux et sa courte taille se prêtent à un certain nombre de mélodrames traditionnels. Quelques exceptions : elle est Julia dans Liliom (1934) de Fritz Lang, Sonia dans la version de Pierre Chenal de Crime et Châtiment et figure dans un drame de Julien Duvivier, La Fin du jour (1938). Sa carrière cinématographique est interrompue par la guerre et connaît une longue éclipse. Plus agée, elle est encore touchante dans des rôles de composition : La Race des seigneurs (1974) de Pierre Granier-Deferre, Le Vieux Fusil (1975) de Robert Enrico.
1932 : Knock de Jules Romain , Madeleine Ozeray dans rôle de Mariette souillon
Au théâtre Louis Jouvet se révèle dans cette pièce: il donnera plus de 1.500 représentations devant un public totalement conquis. Devant ce triomphe théâtral, le comédien décide en 1933 de transposer la pièce au cinéma. Elle est adaptée par Roger Goupillères avec Louis Jouvet dans le rôle-titre.

Knock 1933 Jouvet et Madeleine Ozeray
Extrait « A toujours Monsieur Jouvet » de Madeleine Ozeray p.55
Je tournais le souillon. il s’appelait Mariette. Ce n’était qu’une silhouette, mais je m’amusais comme une folle. Jouvet me maquilla lui-même, mâchura mon visage.
« T’es pas encore assez moche », me disait-il.
Il me fit manger près d’un kilo de poires en répétant, en tournant ; le jus coulait le long de mon bras sur ma robe cretonne en lambeaux. Je m’essuyais avec ma jube, j’en mettais partout, je collais, c’était affreux! Je devait aussi me moucher dans ma main. Jouvet riait de plus en plus ravi :
» T’es vraiment dégueulasse! C’est parfait… »
1937 : Ramuntcho (film, 1937) de René Barberis :

Louis Jouvet – Chef de la contrebande
D’après le roman de Pierre Loti, tourné en 1937 à Sare.
Distribution: Louis Jouvet dit Itchoua, le chef de la contrebande ; Madeleine Ozeray, Gracieuse Detcharry, la fille de Dolorès ; Jean Brochard dit Bourlinguet, le douanier ; Paul Cambo, Ramuntcho
À Sare (Etchezar pour Loti), le contrebandier Ramuntcho est fiancé avec Gracieuse

Madeleine Ozeray – Gracieuse
dont la mère s’oppose
formellement au mariage. Ramuntcho part faire son service militaire en Indochine et, quand il revient, découvre que Gracieuse est entrée au couvent. Une ultime rencontre entre les jeunes gens décide de leur avenir. Gracieuse est relevée de ses vœux et les deux amoureux se marient.
1938 : La Fin du jour de Julien Duvivier : Jeannette
Réalisateur : Julien Duvivier
Acteurs : Michel Simon, Louis Jouvet, Victor Francen, Madeleine Ozeray, Alexandre Arquillière
L’argument : L’abbaye de Saint-Jean-la-Rivière menace de fermer ses portes. Ce qui serait une véritable catastrophe pour ses pensionnaires, tous de vieux comédiens sans ressource. Saint-Clair, acteur autrefois adulé et grand séducteur de femmes, vient justement d’y arriver et y retrouve Marny, grand rival dont il avait jadis séduit la femme, et Cabrissade, artiste de second ordre.
Extrait
Bibliographie
Madeleine Ozeray de Dominique Zachary édition Racine 2008
A l’occasion des 100 ans de la naissance de M. Ozeray (1908-1989), Dominique Zachary retrace la vie et la carrière de l’actrice belge, originaire de la vallée de la Semois, compagne de Louis Jouvet, qui fut l’une des actrices les plus célébrées de la scène française dans les années 1930
4éme de couverture
Née à Bouillon le 13 septembre, en Belgique, au bord de la Semois mystérieuse, Madeleine Ozeray est la comédienne belge qui connut le plus de succès en France avant la Seconde Guerre mondiale. Sa vie fut un roman. Jolie, franche, ingénue, la petite Ozeray fait la une des magazines de cinéma dès 1932. Elle devient la maîtresse puis la compagne du grand acteur et metteur en scène Louis Jouvet, de vingt ans son aîné. À ses côtés, elle triomphe dans les créations de Jean Giraudoux au théâtre de l’Athénée : La Guerre de Troie n’aura pas lieu, Électre et surtout Ondine, le spectacle qui pulvérise les records de recettes à Paris en 1939. «Madeleine Ozeray est la poésie même», s’enflamme Jean Cocteau. Mais la guerre de 1940 casse brutalement ce beau rêve. Jouvet et Ozeray se déchirent lors d’une tournée en Amérique.
L’ombre de Louis Jouvet
Herbet J. Et Palix, Weyrich édition 2018 
Le département culture de la Province de Luxembourg vient de présenter un nouvel ouvrage « Madeleine Ozeray
– l’Ombre de Louis Jouvet ». Madeleine Ozeray est cette comédienne Bouillonnaise, née en 1908, qui fut diplômée du conservatoire d’art dramatique, et bien connue à Bruxelles et à Paris. C’est en 1931 qu’elle rencontre Louis Jouvet, avec qui elle entretiendra une liaison.
Sous la plume de Jacques Herbet et les illustrations de Palix, il s’agit ici d’un véritable voyage dans le temps qui retrace l’histoire de Madeleine Ozeray.
C’est en fait une adaptation d’un premier livre qui a déjà vu le jour en 2008 : la biographie de la Bouillonnaise, écrite par le journaliste Dominique Zachary qui a fait d’énormes recherches…
Madeleine Ozeray, À toujours, M. Jouvet,
préface de Marcel Aymé, Buchet-Chastel, 1966 ;
réédition 1987
(ISBN 2702015190 et 978-2702015193)
Avec un art simple et subtil qui fait penser au Nerval de Sylvie », écrit Marcel Aymé dans sa préface, celle qui sera toujours « Ondine » évoque ses souvenirs et surt
out le souvenir de l’étrange et fascinant Louis Jouvet, pour lequel elle a été Tessa, Ondine, Agnès. Dans ce récit qui se lit « presque comme un conte », remarque Marcel Aymé, elle en trace un portrait pittoresque, énigmatique, inoubliable. Il faut lire ce livre souriant, poétique et grave.
Chouette article ! Un couple à la ville et à l’écran ! La photo de Louis Jouvet et Madeleine Ozeray dans « Ondine » est très touchante. J’ai également dans ma bibliothèque le livre « A toujours Monsieur Jouvet », la photo de couverture est très parlante, s’en dégagent beaucoup de choses.
Concernant les trois films tournés ensemble: « Ramuntcho » et « Knock » (1933) sont pour l’instant introuvables en DVD. « La Fin du Jour » quand à lui est pour moi l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma: l’histoire, la mise en scène, l’ambiance, les dialogues, les comédiens, absolument tout est magistral. Selon les livres que j’ai pu lire, Louis Jouvet et Julien Duviver s’appréciaient, ils ont tourné quatre films ensemble.
😉
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Merci pour ce bel et instructif article .
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