Louis Jouvet, entendre sa voix au théâtre

– Et puis, après tout, va toujours, c’est ta nature et ce sera peut-être une des faces de ton génie.
Hommage à Louis Jouvet
![LA DESCRIPTION BRUSCAMBILLE [DES LAURIERS]. Facecieuses Paradoxes de Bruscambille précieuse édition originale dans une reliure des plus désirables. Plein maroquin aux armes marquis de Coislin reliure attribuée à Bradel Derome. Exemplaire de prestige cité par Tchemerzine comme le plus gros prix avant 1914.](https://louisjouvetsite.files.wordpress.com/2021/01/bruscambille-des-lauriersfacecieuses-paradoxes-de-bruscambille.jpg?w=300)
La Folle Journée(extrait), d’Emile Mazaud, (1920 1er juillet )

Théâtre du Vieux Colombier
En 1918, au sortir de la Première Guerre mondiale, il publie, à l’âge de 34 ans, une première nouvelle,
Avec Romain Bouquet, Louis Jouvet, Jane Lory, Georges Vitray capitaine Bébert aux éditions Albin Michel, illustrée par Naudin, puis l’année suivante Lettres de gosses, chez le même éditeur et toujours illustré par Naudin. C’est une année plus tard, en 1920, qu’il est réellement révélé au public parisien lorsque Jacques Copeau produit avec succès la première pièce qu’il avait écrite, La Folle Journée, dans son théâtre du Vieux-Colombier.
Eté 1913 : Charles Dullin, Jacques Copeau, A. Tollier, Blanche Albane, G. Roche, Jane Lory, Suzanne Bing, Louis Jouvet, Roger Karl, Antoine Cariffa and the dog Filou (Getty Images)
Jean-Baptiste Poquelin, dit
Molière 1622-1673

Comme la scène se termine par la bastonnade de Martine par Sganarelle, le spectateur devine que celle-ci va décider de se venger (« Je te montrerai bien que je ne te crains nullement »).
La Jalousie du Barbouillé était le véhicule parfait pour Jouvet; et avec ce matériau, il créa un des personnages les plus remarquables de son répertoire. […] En six brefs sketches, Jouvet incarnait dans le rôle du Docteur le pédant parfait, utilisant des effets comiques souvent purement grotesques, parfois classiques […]. La grande taille du docteur avait été exagérée et il était tour à tour volubile, bouffon, pompeux, guindé, et satisfait. Toutefois, le jeu de Jouvet restait naturel et convaincant, malgré les distorsions, aussi paradoxal que cela puisse paraître. L’auditoire répondait d’une façon qui était très agréable pour un acteur, non seulement en savourant l’interprétation avec plaisir et pur délice, mais aussi en y reconnaissant quelque chose de familier et en prenant part involontairement à l’action sur la scène.[…]
DOM JUAN
En s’attaquant à Dom Juan pour la première fois en 1947,
Un « moraliste véritable » et pas « un jeune premier aphrodisiaque pour garçons-coiffeurs « . En s’attaquant à Dom Juan pour la première fois en 1947, Louis Jouvet tenait à marquer sa lecture de Molière et de son personnage de séducteur. Il le fait à l’occasion de cette conférence donnée à l’Ecole des Annales le 29 décembre 1947, et dont nous vous proposons de redécouvrir l’intégralité, soit une vingtaine de minutes d’analyse brillante, documentée et percutante sur Molière et son personnage :personnage de séducteur.
Il le fait à l’occasion de cette conférence donnée à l’Ecole des Annales le 29 décembre 1947
Théâtre de l’Athénée, Décembre 1947.
Louis Jouvet et Mancini dans » Dom Juan » de Molière. Décors de Christian Berard. Paris, théâtre de l’Athénée, Décembre 1947
Récit de la mort de Molière,extrait de « Vie de monsieur Molière » de Grimarset, lecture par Louis Jouvet
Pierre Corneille (1606-1684)
Marquise, si mon visage
A quelques traits un peu vieux,
Souvenez-vous qu’à mon âge
Vous ne vaudrez guère mieux.
Le temps aux plus belles choses
Se plaît à faire un affront :
Il saura faner vos roses
Comme il a ridé mon front.
Le même cours des planètes
Règle nos jours et nos nuits :
On m’a vu ce que vous êtes
Vous serez ce que je suis.
Cependant j’ai quelques charmes
Qui sont assez éclatants
Pour n’avoir pas trop d’alarmes
De ces ravages du temps.
Vous en avez qu’on adore ;
Mais ceux que vous méprisez
Pourraient bien durer encore
Quand ceux-là seront usés.
Ils pourront sauver la gloire
Des yeux qui me semblent doux,
Et dans mille ans faire croire
Ce qu’il me plaira de vous.
Chez cette race nouvelle
Où j’aurai quelque crédit,
Vous ne passerez pour belle
Qu’autant que je l’aurai dit.
Pensez, belle Marquise
Quoiqu’un grison fasse effroi,
Il vaut bien qu’on le courtise
Quand il est fait comme moi.
Jean Giraudoux (1882-1944)

Jean Giraudoux 1916
En 1928, il tira de Siegfried et le Limousin une pièce que Louis Jouvet eut le courage de monter à la Comédie des Champs-Elysées. Cette création triomphale a marqué un tournant dans l’histoire du théâtre français moderne. Depuis Antoine, tous les grands rénovateurs de la scène avaient vainement cherché l’œuvre dramatique nouvelle capable de donner un sens à leur effort.
Avec Siegfried prenait fin le divorce scandaleux qui coupait l’un de l’autre la littérature et le théâtre, avili par cinquante ans de mercantilisme, de prosaïsme et de psychologisme. Giraudoux redonnait un langage au théâtre, et Jouvet, serviteur de l’œuvre, lui conférait son existence scénique.
Encyclopédie Larousse
Introduction à Giraudoux, par Louis Jouvet.
« L’homme s’ennuie, c’est pour cela qu’il va au théâtre. Pour se fuir lui-même et se libérer de son angoisse. Pour
faire cesser en lui ce vide, cette vacance qui lui donne le vertige et le dégoûte de lui-même. Pour chercher à communiquer avec les autres, pour se mêler et se fondre au sein de cette masse humaine qui est dans la salle, par rangées, et qui regarde. » Ainsi parlait Louis Jouvetqui faisait vivre le théâtre comme personne, mais s’illustrait aussi dans le cadre de ses conférences.
Louis Jouvet pose la question « Qu’est ce que le théâtre ? » Il y a la scène et la salle. L’homme va au théâtre car il ne connait rien de la vie, où cela commence où cela fini…
Visitations Jean Giraudoux
Ouvrage publié en Suisse pendant la guerre, avec Louis Jouvet et Michel Etcheverry.
Je vous ouvrirai mes tiroirs secrets. Je vous présenterai des personnages qui ne sont plus en quête d’auteur, et qui ont bien voulu me choisir pour ce rôle ingrat, mais qui ne se sont pas eux-mêmes pleinement trouvés encore, qu’aucune action dramatique n’a encore convoqués, dont vous serez les premiers spectateurs : répétition générale, suivie de mois, et peut-être d’années de silence, et peut-être de silence définitif. Ils sont comiques ou tragiques, courtois ou forcenés, mais ils n’ont encore trouvé pour s’exprimer qu’une scène, courte ou longue, par laquelle je les présenterai à vous, dans une épreuve dont votre bienveillance fera une amicale entrevue.
Les cinq tentations de La Fontaine, par Jean Giraudoux, lecture d’un extrait par Louis Jouvet
Sous ce titre un peu énigmatique, c’est un portrait moral en profondeur du « bonhomme » La Fontaine que nous présente Jean Giraudoux. Ces « cinq tentations » furent celle de la vie provinciale et bourgeoise du maître des Eaux et Forêts de Château-Thierry ; celle des femmes, comme la lé ou la Béjart (peut-être) et d’autres
qu’il ne connut guère qu’à la manière de Boccace ; celle du monde qui l’amènera à vendre sa plume au tout-puissant Fouquet, louer sa personne à la duchesse de Bouillon et à se faufiler à l’Académie française ; celle de la littérature qui le conduit du conte libertin à des pièces de théâtre où il est le premier à s’ennuyer, pour aboutir sur le tard aux chefs-d’œuvre que sont ses fables ; la tentation, enfin, du « scepticisme et de la religion » qui incline le jeune oratorien jeté dans le siècle à flirter avec le jansénisme puis avec le protestantisme, une façon comme une autre ne pas croire à grand-chose.
Dans ce portrait ironique et sympathique, Jean Giraudoux, à la faveur d’anecdotes et d’analyses savoureuses du comportement de La Fontaine, nous donne de cet auteur – le plus célèbre peut-être de notre littérature – une image qui n’a rien d’académique. C’était un homme « ondoyant et divers », distrait, malhabile à se conduire dans la vie mais habile à se contredire, grand amateur de sommeil et doté d’une insouciance qui frôlait l’inconscience.
Sans le vouloir, ne serait-ce pas à une sorte de psychanalyse en demi-teinte que se livre, ici, Jean Giraudoux ? (Grasset)
Intermezzo (extraits) de Jean Giraudoux, avec Louis Jouvet et Valentine Tessier. 1933
est une pièce de théâtre en trois actes de Jean Giraudoux, à l’humour décalé, parue en 1933 et représentée pour la première fois le 1er mars 1933 à la Comédie des Champs-Élysées dans une mise en scène de Louis Jouvet, sur une musique de scène éponyme de Francis Poulenc.
Giraudoux affirmera toujours que sans Jouvet il n’aurait pas persisté. Après ses trois premières pièces aux questionnements plutôt graves, il fait d’Intermezzo une sorte de fantaisie dans laquelle entrent de nombreux éléments de son imaginaire, incarnant dans des personnages des visions du monde contradictoires pour ne pas dire incompatibles, réalisme et idéalisme, prosaïsme et poésie, naturel et merveilleux, qu’il s’agit cependant d’harmoniser.
Il en commence la rédaction au début de l’année 1931 mais aura, semble-t-il, de la difficulté à trouver la tonalité exacte qu’il entend lui donner, et la pièce n’est proposée aux comédiens qu’en décembre 1932.
Jouvet se charge, comme de coutume, de la mise en scène. Il confie la scénographie à Léon Leyritz. Décors et costumes vont surprendre en osant l’imagination et la couleur, par exemple, le costume du droguiste, rapporté ainsi par le critique de Comoedia (3 mars 1933) « affublé d’un complet violet, étriqué à ravir, bordé, gancé et pourtant si prétentieux ».
Un criminel revient toujours sur le lieu de son crime.
Une justice qui veut être saine exige des criminels sains.
Jean Giraudoux ; Intermezzo (1933)
Ondine est une pièce de théâtre de Jean Giraudoux,

créée le 4 mai 1939 au Théâtre de l’Athénée, à Paris,dans une mise en scène de Louis Jouvet,
avec Madeleine Ozeray dans le rôle-titre et des décors et
des costumes de Roland Oudot,
Louis Jouvet dans le rôle du Chevalier Hans.
Beaucoup trompent celles qu’ils aiment pour ne pas être orgueilleux.
Le plus bête des hommes voit toujours assez clair pour devenir aveugle
La Guerre de Troie n’aura pas lieu (extraits) de Jean Giraudoux, avec Louis Jouvet et Pierre Renoir.
La guerre de Troie n’aura pas lieu est créée par Louis Jouvet et sa troupe le au Théâtre de l’Athénée. Giraudoux, blessé à deux reprises durant la Première Guerre mondiale, est un ardent défenseur de la paix. Il écrit d

ou tout le monde voit venir la guerre sans réellement réagir et la guerre de Troie dans l’Antiquité. Son œuvre se termine effectivement par l’inévitable guerre, reflet de la réalité. juin 1935
cette pièce relativement rapidement entre l’automne 1934 et alors que les dictatures montent en Europe et que la crise de 1929 continue de sévir, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale.
Le destin est simplement la forme accélérée du temps.
Ceux qui veulent faire la guerre pour une femme, c’est la façon d’aimer des impuissants
Georges Bernanos (1888-1948)

C’est dans l’amertume et la colère que Georges Bernanos a trempé sa plume pour écrire ce journal de 1939-1940. II a été de ceux qui ont combattu et souffert pendant la première guerre mondiale – ceux de l’Avant à qui les autres, ceux de l’Arrière, du Derrière selon son expression méprisante, firent le serment que la paix serait désormais à jamais établie.
Et voici qu’avec cette seconde guerre mondiale éclate la preuve que les Grands Citoyens ont trahi l’espérance de la jeunesse sacrifiée aux Eparges, à Massiges, à Verdun. Nous avons donné tout sans exiger de reçu…
L »exemple des permissions eût dû pourtant nous instruire. » Regret des promesses bafouées, regret d’avoir écouté ces promesses, de s’être livrés sans conditions à des hommes qui ont failli à
Lecture d’extraits par Louis Jouvet.leur tâche, tel est le thème premier des Enfants humiliés.
Et qui sont ces hommes, ces Grands Citoyens? De l’analyse mordante des puissants du jour, le journal glisse tout naturellement à l’étude d’un monde qui a s’est échappé dans la guerre, pour reculer d’autant l’épreuve, pour lui devenue sans doute insurmontable de la paix, d’une vraie paix. »
Jules Romains (1885-1972)
Knock ou le triomphe de la médecine (extrait), de Jules Romains, avec Louis Jouvet et Jean Brochard
Créé par Jouvet le 15 décembre 1923 à la Comédie des Champs Elysées, Knock rencontre un tel succès que la pièce est reprise chaque fois que Jouvet rencontre des difficultés financières. Elle est de toutes les tournées et fait l’objet de deux adaptations au cinéma, en 1933 et en 1950. Le rôle du Docteur Knock devient ainsi l’un des plus célèbres masques du comédien Jouvet.
Quelques jours avant la générale, Jules Romains se décide à lui parler : « Vous composez le rôle. A mon avis, c’est une erreur. Vous avez une occasion magnifique d’être vous-même, d’user directement de vos moyens. Oui, vos regards, vos jeux spontanés de physionomie. Le ton que vous avez dans la vie pour répondre aux gens. Elaborez, stylisez tant que vous voudrez. Mais que le travail s’effectue sur une matière naturelle et vraie ». Dès le lendemain le changement est radical ; Jouvet mit simplement les traits essentiels de son personnage en lumière : « Il créait le personnage définitif, en ce sens que pendant plus de trente ans, et au cours de deux mille représentations, il a pu le jouer sans y apporter d’autres modifications que des finesses de détail (…) qui sont le fait d’une longue expérience et d’une maîtrise mûrie. »
Souvenirs sur la création de Knock, programme de la reprise de Knock, 1960, théâtre Hébert
Scène de l’acte I de Knock ou le Triomphe de la médecine :
le chauffeur Jean, le couple Parpalaid et, à droite, Knock, interprété par Louis Jouvet (1950).