Yves Saint-Laurent assiste à 13 ans, en 1949, à Oran, à une représentation de L’École des femmes de Molière
4 octobre 2007 – 27 janvier 2008
A l’occasion de la 7ème exposition de la Fondation Pierre Bergé, il a été abordé une facette moins connue de l’œuvre d’Yves Saint Laurent, en présentant au public les créations que le couturier a réalisées pour des mises en scènes et des interprètes mythiques.
Avant-propos de Pierre Bergé
Le monde théâtral d’un esprit solitaire
La fascination d’Yves Saint Laurent pour le monde qui s’allume aux feux de la rampe fut précoce, soudaine et intense.
Cette passion naquit vraiment lorsqu’à treize ans il vit, grâce à une tournée à Oran, une représentation de l’Ecole des femmes, mise en scène par Louis Jouvet, dans des décors et des costumes de Christian Bérard. Ce jour-là, le rêve devint réalité. Il reçut une leçon, il l’a écoutée et il l’a comprise.
Louis Jouvet–Madeleine-Ozeray-l’Ecole-des-femmes – costumes Christian Bérard
Cette grande leçon que Jouvet et Bérard lui ont donnée sans le savoir, c’est celle du Théâtre tout entier et c’est celle de l’Art.
On le sait, rien n’est plus faux que le vrai, ni plus trompeur, mais en revanche si le faux sait se charger des mystères de la création, s’il n’essaie pas d’imiter servilement la vérité mais seulement de la suggérer, alors il devient plus vrai que vrai.
Sur une scène un morceau de tissu bon marché devient, par magie, le plus rare des brocarts, le plus somptueux des velours. Un rideau rouge et une simple cordelière d’or évoquent davantage que des décors coûteux et des trompe-l’oeil savants.
Yves Saint Laurent a aussi retenu qu’un costume servait à créer un personnage et que la psychologie était plus importante que l’esthétique
Sa rigueur, son refus du hasard l’ont obligé à oublier qu’il était un couturier car il a su depuis toujours qu’il s’agissait de deux métiers différents.
Louis Jouvet – l’Ecole des femmes – Costumes Christian Bérard
Ce n’est pas étonnant que cet homme discret, modeste, replié sur lui-même, ait su dessiner pour le music-hall, le cinéma, le ballet, le théâtre, les costumes les plus brillants, les plus extravagants et les plus éclatants.
Et quand il se penche sur son passé, je sais qu’il pense à cette représentation de l’Ecole des femmes où son destin se décida ; et lorsqu’il dessina, au Théâtre de l’Athénée, pour Edwige Feuillère et Jean Marais, les décors et les costumes de Cher menteur, on peut être sûr qu’à travers l’inoubliable couple de l’Aigle à deux têtes ce sont les mythes les plus importants de sa jeunesse qui vinrent à sa rencontre : Cocteau, Jouvet, Bérard.
Dans ces chimères, il découvrit une réalité. Un monde foisonnant de vie se révélait à lui dans ses moments les plus magiques.
Cet amour du merveilleux ne devait jamais l’abandonner.
Et depuis, quelque chose en Yves Saint Laurent n’a pas cessé de prendre vie aux feux de la rampe.
1978 – L’Aigle à Deux Têtes de Jean Cocteau
Au Théâtre de l’ Athénée Louis Jouvet — décorateur : Yves Saint Laurent
Yves Saint Laurent trop jeune pour créer des costumes pour les pièces montées du vivant de Jouvet, créera néanmoins à son tour , trente-deux ans après Christian Bérard, les costumes de L’Aigle à deux têtes, le drame romantique de Jean Cocteau, repris au théâtre de l’Athénée-Louis-Jouvet.
Son goût de l’orientalisme somptueux a pu ainsi se donner libre cours. […] Les autres acteurs, dont Stanislas, l’anarchiste, sont résolument modernes dans leurs costumes de « cadres » de l’entre-deux guerres. Enfin, pour son premier décor de théâtre, Yves Saint Laurent a joué tour à tour de l’art le plus baroque – pour la chambre de la reine – et des lignes les plus stylisées pour la bibliothèque du second acte.
Louis Jouvet et sa compagnie dramatique dans : « L’École des femmes » de Molière, comédie en 5 actes et en vers. Enregistrement audio réalisé en public au Colonial Theatre, Boston,Massasuchetts, États-Unis, le 16 mars 1951.
Personnages et interprètes
Arnolphe…………………………………….Louis JOUVET
(autrement M. de la Souche)
Agnès………………………………………..Dominique BLANCHAR
(jeune fille innocente
élevée par Arnolphe)
Horace………………………………………Jean RICHARD
(amant d’Agnès)
Georgette…………………………………..Monique MÉLINARD
(paysanne, servante d’Arnolphe)
Chrysalde…………………………………..Léo LAPARA
(ami d’Arnolphe)
Oronte……………………………………….Pierre RENOIR
(père d’Horace et grand ami d’Arnolphe)
Le notaire…………………………………..Michel ETCHEVERRY
En octobre 1934, Louis Jouvet prend ses fonctions au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris. Durant l’année 1940, dans l’Europe en guerre, Louis Jouvet continue de faire de sa classe au Conservatoire, un espace protégé, où il transmet à de jeunes apprentis comédiens sa passion du théâtre. Dans ces cours donnés jusqu’à son départ en Amérique du sud, en 1941, Jouvet déploie une fascinante pensée pratique du jeu.
Il ne s’agissait pas pour lui – comme pour tout autre professeur de théâtre – de former des acteurs , de mettre au point des scènes de concours, de régler et de discipliner des vocations encore hésitantes ou malhabiles, de réfréner des ambitions trop impatientes. Le but qu’il se proposait siégeait en un étage autrement plus élevé. C’était « L’homme » qu’il cherchait à éveiller chez ces adolescents, en ouvrant devant eux sur la vie et sur leur future destinée de larges aperçus sur des horizons dont la révélation leur apportait sa chaude et féconde lumière.
Paul Abram Directeur du conservatoire National d’Art Dramatique
Jouvet sera un maître vénéré comme en témoigne son protégé François Périer :
« Voir Jouvet enseigner, l’écouter, l’observer, était une expérience unique, un festival de brio et d’intelligence théâtrale ».
« Alors comme ça, mon petit, tu veux faire du théâtre ? ». Sur le conseil de Louis Jouvet, François s’inscrit aux cours de René Simon (1935). « Tu es un valet comique » lui affirme son professeur.Proposé au concours d’entrée au
François Périer
Conservatoire à la fin de la 2ème année (1937), il présente «Scapin». Jouvet fait partie du jury. Tout le monde se souvient de la sentence : « Si Molière t’a vu, il a dû se retourner dans sa tombe ». Et la réponse qui fuse : « Comme cela, il sera à l’endroit car il vous a vu hier dans ‘L’école des femmes’ ! ».
Son esprit caustique est demeuré proverbial : lors du concours d’entrée, une apprentie comédienne s’avance en déclamant « Où suis-je ? » et reçoit cette réponse sans appel « Au Conservatoire… mais pas pour longtemps ! »
Les trucs du comédien.
Louis Jouvet, professeur au Conservatoire :
« Qu’attendent-ils de moi ?
Qu’imaginent-ils que sera ce cours ?
Quel service puis-je leur rendre ?
Au fond d’eux-mêmes y a-t-il un vif désir de savoir ?
Et savoir quoi ? leur avenir, oui – des trucs. »
Avoir affaire à des gens qui n’attendent de vous que des recettes, des procédés, en attendant un diplôme ; c’est le Conservatoire. Il faudrait que ces élèves aient d’abord le sens des difficultés de leur profession. Ils ne le peuvent pas. Ils sont bouchés, sourds et muets ; leurs ambitions, leurs appétits et l’ignorance totale d’un métier où il n’y a pratiquement pas d’expérience, pas de science générale, rendent tout effort pratiquement sans résultat.
Chercher des principes ? Il n’y a que des appétits et des ambitions, et des hasards – rencontres – chances. »
(Louis Jouvet, Le comédien désincarné)
Louis Jouvet, Tragédie classique et théâtre du XIXe siècle, cours au conservatoire, publiés en 1968, Gallimard
Qu’est-ce qu’enseigner le théâtre ? « (L. Jouvet) Ce qui m’intéresse, ce n’est pas de fournir des premiers prix bien vernis, c’est de vous donner le contact avec vous-mêmes, sur des choses que j’ai expérimentées avant vous, des réflexions que j’ai faites à force de jouer la comédie pendant trente ans, que j’applique à ce que vous êtes. Je voudrais que vous sentiez en vous mon expérience. C’est ça la tradition d’un métier, que ce soit pour un métier manuel ou un autre. Il y a dans un métier manuel, en plus d’une expérience technique, une sensibilité proprement dite. Ce n’est pas seulement qu’il faille faire quelque chose de telle manière parce que c’est ainsi. Quand un artisan dit: Il ne faut pas faire ça ainsi, cela tient à des raisons profondes, à la connaissance parfaite qu’a l’artisan soit de la matière qu’il emploie, soit de l’usage auquel est destiné l’objet qu’il veut faire, et que seule l’expérience peut lui donner.
Ce qu’il faut que vous appreniez, en trois ans (et le métier de comédien serait le premier du monde si vous appreniez cela), c’est à vous connaître vous-mêmes. Le « connais-toi toi-même » de la philosophie antique, c’est tout le métier du comédien, tout son art. Se connaître soi-même par rapport à Alceste ou à Marguerite Gauthier, ce n’est pas donné à tous les gens qui font de la philosophie. »
* Plus qu’une articulation, la diction est la rencontre d’un style : « (Jouvet) il y a différents styles comme il y a différents auteurs. Quand vous aurez compris ces différents styles des différents auteurs, vous aurez le secret de la diction. On ne doit pas jouer Marivaux, Musset, Beaumarchais, Racine de la même manière.
Tu le comprendrais si tu avais joué une pièce de Bernstein, écrite avec des points de suspension, des interjections, à côté d’une pièce de Giraudoux, où il y a une phrase qui commande par son style un mécanisme différent de la sensibilité de l’acteur. Le mécanisme de la sensibilité chez l’acteur, la façon dont il dispose sa sensibilité, est fonction de l’écriture de la scène. Tu ne peux pas te comporter sensiblement dans une phrase de Marivaux comme dans un vers de Victor Hugo. C’est cependant ce qui caractérise à peu près, à l’heure actuelle, l’exécution de ce répertoire. »
Vidéos, Elvire-Jouvet 40
En 1986, les leçons sur Elvire de Dom Juan ont donné lieu à un magnifique spectacle de Brigitte Jaques, puis à un film, réalisé par Benoît Jacquot (Elvire-Jouvet 40).
Benoît Jacquot filme la mise en scène de Brigitte Jaques-Wajcman, qui transpose sept leçons données par Louis Jouvet, au Conservatoire en 1940, à l’élève Claudia s’exerçant sur le personnage d’Elvire deDom Juan.
Les leçons sont extraites de Molière et la comédie classique, ouvrage de Louis Jouvet édité chez Gallimard en 1965.
À partir du spectacle créé en 1986 au Théâtre National de Strasbourg, Benoît Jacquot signe un film sur le théâtre et l’apprentissage du métier d’acteur. Philippe Clévenot, projeté dans le personnage de Louis Jouvet aux côtés de son élève
Maria de Medeiros, exhume l’art et la méthode du maître qui s’attache sans relâche à commenter Molière, en même temps qu’il expose avec lyrisme la pratique de la diction, la respiration, la situation dramatique et le “sentiment”.
Le film fixe dans le mouvement la rencontre fugitive et énigmatique du mot et du corps. Rencontre d’autant plus bouleversante que la guerre sépare le maître de l’élève. Claudia, après avoir reçu le premier prix de sa classe de Conservatoire sera interdite de scène du fait de ses origines juives.
(Élisabeth Ramus pour Images de la culture)
Début du film Elvire Jouvet 40 (1986), réalisé par Benoit Jacquot, à partir de la mise en scène théâtrale de Brigitte Jaques, inspirée des Carnets de Louis Jouvet.
Je sens que ça doit être ennuyeux pour vous. Moi je suis bien, je suis dans un état agréable quand je donne ça.
Philippe Clévenot
Vous écoutez bien ce qu’elle vient de dire, je suis dans un état agréable quand je donne ça. Ça te fait plaisir ?
Maria (de) Medeiros
Il me semble que je suis dans l’état où Elvire doit être !
Philippe Clévenot
Je puis vous donner une indication qui est capitale chaque fois que vous éprouvez ce sentiment qu’une chose vous est facile. Je parle d’une chose obtenue sans effort, ce n’est pas bon. L’exécution d’un rôle, quel qu’il soit, comporte toujours quelque chose de pénible, de douloureux. Quelque chose à quoi l’effort doit participer sinon il manque quelque chose. Une exécution comporte toujours un effort, alors tu vois, tu aurais dû te méfier. Tu remarques que ce que tu fais est bien mais qu’est-ce qu’on peut te reprocher ?
Comédien 2
Elle se laisse aller un peu à la musique du texte ?
Philippe Clévenot
C’est juste, quoi encore ?
Comédien 3
J’ai l’impression qu’elle manque un petit peu de présence vis-à-vis de Dom Juan et que Dom Juan peut n’en être pas touché parce qu’elle est trop éloignée.
Philippe Clévenot
De présence tout simplement dans ce qu’elle fait, il manque la présence par rapport au public. Ce n’est pas convaincant, cela ne touche pas, cela ne passe pas la rampe et c’est parce que tu es si confortable dedans que cela ne passe pas la rampe. Quand tu dis un texte avec le sentiment de le dire juste, mais en pensant, j’éprouve un sentiment agréable, je suis dans un sentiment juste, le texte passe bien dans ma bouche, je respire bien et cetera, tu ne fais pas d’effort.
Travail sur un scène d’Elvire dans le Don Juan de Molière. Au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique à Paris en 1940. Professeur : Louis Jouvet ; Elève: Claudia.Mise en scène : Brigitte Jaques
Vous pouvez retrouver les leçons suivantes 3 ,4 ,5, 6, 7 sur Youtube
Films
Entrée des artistes , 1938
Un extrait d’ Entrée des artistes au cours duquel Louis Jouvet vient défendre une de ses élèves au conservatoire.
Livres
Écoute, Mon ami
Auteur: Louis Jouvet
Editeur : Flammarion
illustrations de Christian Bérard
Date de parution : 19/05/2001
EAN13 : 9782080682109
Méditation sur le métier et la vocation de l’acteur, rédigé en 1942 lors d’une tournée en Amérique du Sud qui fut aussi un exil, ce texte fragmentaire de Louis Jouvet.
Quelques maximes extraites du livre:
« Le profond ne nous touche que par la surface. »
« On n’assimile rien au théâtre que pour restituer. »
« Il y a dans la loge, là-bas, au fond, pendant que tu joues, un couple dont l’homme pense à ses affaires et la femme à son amant. »
» On fait du théâtre parce qu’on a l’impression de n’avoir jamais été soi-même et qu’enfin on va pouvoir l’être.
Isabelle Stibbe, Bérénice 34-44, Serge Safran Éditeur, 316 p.,également en livre de poche
La secrétaire générale de l’Athénée Théâtre Louis Jouvet est une romancière de talent. Isabelle Stibbe signe avec Bérénice 34-44 sa première fiction, publiée aux éditions Serge Safran.
Isabelle Stibbe a été responsable des publications de la Comédie-Française, c’est dire si le rouge et or de Richelieu n’a aucun secret pour elle. C’est naturellement que son roman porte le nom d’une héroïne classique, Bérénice, et qu’il se situe au cœur du Français. C’est l’histoire d’une petite fille qui voulait devenir comédienne et qui y arrive envers et contre le refus de ses parents. C’est l’histoire d’une ado de 15 ans qui coupe les ponts avec son père et sa mère. C’est l’histoire d’une petite juive qui a 22 ans en 1941. C’est l’histoire d’une demoiselle brune qui a déjà changé de nom avant sa naissance et qui en changera trois fois entre 34 et 44. C’est l’histoire de Louis Jouvet qui ferme la porte à clef de sa classe au Conservatoire pour que les retardataires ne puissent pas entrer. C’est l’histoire de l’Armée Juive qui sauva tant d’enfants. C’est l’histoire de Jean Vilar et de « Jeune France ». C’est l’histoire de français juifs qui croyaient en leur Etat protecteur. C’est l’histoire d’une trahison. C’est une histoire, mais ce n’est pas du théâtre, c’est l’histoire de France.
Résumé
1934. Malgré l’hostilité de ses parents, Bérénice, 15 ans, est admise au Conservatoire, dans la classe de Louis Jouvet. Sa vie est désormais rythmée par l’apprentissage des grands rôles du répertoire et par ses rencontres avec des acteurs de renom… Trois ans plus tard, elle entre à la Comédie-Française et prend le nom de Bérénice de Lignières. Rien ne peut entacher son bonheur, ni la montée du fascisme en Europe, ni les rivalités professionnelles ou amoureuses. Mais au tout début de l’Occupation, avant même la promulgation des lois raciales, la maison de Molière exclut les Juifs de sa troupe. Dénoncée par une lettre anonyme, Bérénice – son père est né dans un shtetl russe – est rattrapée par son passé. Sous les ors et velours de la Comédie-Française va se jouer un drame inédit, celui d’une actrice célèbre, prise au piège d’une impitoyable réalité. Un premier roman maîtrisé et captivant, lauréat de nombreux prix.
Extrait, p.198 (…)( Ndlr : Jacques Copeau, administrateur de la Comédie-Française)…Tous, nous sommes émus part le sort de nos camarades israélites. Mais… et… car peut-on sacrifier tout le personnel de la Maison au nom de quelques-uns ? Songez bien que le personnel en son entier se retrouvera au chômage.
Pierre Dux : Que proposez-vous ? Acceptez ce chantage indigne des Allemands ? Nous comporter comme les barbares qu’ils se montrent ? C’est notre honneur qui est en jeu. La Comédie-Française ne peut se mettre à la botte de Berlin.
L’entrée en scène chez Louis Jouvet
Eve Mascarau , Allocataire moniteur – Département des Arts du spectacle de l’Université Nanterre Paris Ouest La Défense – Chercheur associé à la BnF sur le fonds Louis Jouvet depuis octobre 2012.L’entrée en scène, Dossiers, Derrière la porte, mis à jour le : 28/11/2015
Résumé
Le travail de l’entrée en scène est capital dans la pédagogie de Louis Jouvet : si l’acteur sait « attaquer » une scène, alors il saura la jouer, tout son travail découlant naturellement de ce premier moment. Pour parvenir à réussir cette entrée en scène, Jouvet met en place une technique grâce à laquelle il explique comment entrer sur la scène (par la marche) et dans le texte (par la respiration). Aussi ce prisme, au cœur de son édifice mental, est décisif pour aborder certaines notions clefs de cette pensée riche et foisonnante et faire affleurer ce que Jouvet appelle l’ « énigme de l’entrée en scène », qui est certainement l’énigme du théâtre même.
Une fois à Paris, si Louis Jouvet consacre ses journées à la science, ses soirées il les passe au théâtre. Il se présente trois fois aux examens du Conservatoire d’Art dramatique dans des scènes de l’Ecole des femmes de Molière, et est recalé chaque fois. On lui reproche sa mauvaise élocution et son apparence physique. Jouvet est meurtri par ses échecs, néanmoins il obtient d’être accepté à titre d’auditeur dans la classe de Leloir, en 1908. C’est là qu’il apprendra à mieux contrôler sa diction.
Puis il fait une rencontre privilégiée, celle de Léon Noël qu’il approche après un spectacle et dont il suivra les cours d’art dramatique jusqu’en 1910. Léon Noël ne ménage pas son élève, mais Jouvet l’aime et le respecte. Il lui devra beaucoup.
Tout en continuant de courir les cachets et de faire un peu de tournée, il trouve le temps de tomber amoureux de sa voisine d’en-face, Else Collin. Else est une jeune Danoise qui travaille comme garde d’enfants chez Jacques Copeau (marié à une danoise), à qui elle parle souvent de Louis. Sous l’instance de Else Copeau parle à Louis Jouvet d’un projet de théâtre, après l’avoir vu jouer au Théâtre du Château-d’Eau. Une amitié naît instantanément entre ces deux hommes qui partagent la même passion.Comédien
1908 :
14 juillet, La Mort de Charlotte Corday de François Ponsard,au Château du Peuple
Les Mauvais Bergers d’Octave Mirbeau
août, Œdipe roi de Sophocle, à Saint-Dizier
18 juillet, Le Moulin des Chimères, acte en vers de Bernard Marcotte à l’Université Populaire du Faubourg Saint-Antoine, avec le Théâtre d’Action d’Art10
30 juillet, Les Maîtres de la Vie, drame des temps à venir, de Roger Dévigne (Georges-Hector Mai),au Château du Peuple avec le Théâtre d’Action d’Art10
30 juillet, Le Misanthrope de Molière au Château du Peuple avec le Théâtre d’Action d’Art
19 septembre, L’École des Femmes de Molière, à l’Université Populaire du Faubourg Saint-Antoine
4 octobre, Les Revenants d’Henrik Ibsen à l’Université Populaire du Faubourg Saint-Antoine
Britannicus de Racine
Les Triumvirs de François Ponsard
Le Principal Témoin de Georges Courteline
Le Droit au bonheur de Camille Lemonnier et Pierre Soulaine
Hortense, couche-toi ! de Georges Courteline
La Recommandation de Max Maurey
Le cœur a ses raisons de Robert de Flers et Gaston Arman de Caillavet
1909:
1er août, Andromaque de Racine, avec le Théâtre d’Action d’Art
8 août, La Nouvelle Idole de François de Curel, avec le Théâtre d’Action d’Art
21 septembre, Les Maîtres de la Vie, de Roger Dévigne (Georges-Hector Mai) avec le Théâtre d’Action d’Art, à Angoulême
31 octobre, Le Faiseur de Balzac,à l’Université Populaire du Faubourg Saint-Antoine, et le 7 novembre, salle du Trocadéro
La Fille de Roland de Henri Bornier, à Provins
Maison de Poupée d’Ibsen, à l’Université Populaire du Faubourg Saint-Antoine
1910:
création du Colonel Chabert de Louis Forest, d’après Balzac, le 19 février, à l’Athénée Saint-Germain, avec le Théâtre d’Action d’Art11
15 mars, Poil-de-Carotte de Jules Renard, à l’Université Populaire du Faubourg Saint-Antoine, dernier spectacle du Théâtre d’Action d’Art qui cesse son activité
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.